En juillet dernier, l’entretien avec Yehudah Mirsky nous permettait d’annoncer le lancement d’un nouveau dossier de travail pour la revue, autour des questions liées au sionisme religieux et au messianisme. Plus Israël s’acharne dans la guerre à Gaza – et les événements de la semaine ont encore une fois démontré que, pour le gouvernement de Netanyahu, l’objectif d’éliminer le Hamas prime sur les négociations de paix –, plus ces questions sont appelées à devenir décisives. Car le refus de terminer la guerre permet d’éviter d’avoir à s’orienter politiquement, il consiste à s’installer dans une temporalité où seul le présent existe, mais qui s’annonce toujours au bord d’un grand basculement. Netanyahu promet la « victoire finale » pour masquer son indétermination, mais cette indétermination joue en la faveur des messianistes, elle leur fait cadeau de l’horizon et apporte de l’eau au moulin de leurs fantasmes, jusqu’à autoriser parfois leur mise en acte… Cette semaine, avec le regard de sociologues qui sont allé à leur rencontre, Perle Nicolle-Hasid et Sylvaine Bulle nous font observer ce à quoi ressemblent « pour de vrai » les rêves des messianistes, et où ils pourraient mener si les mains leur étaient laissées libres pour amener la « rédemption ». Mais elles introduisent également un problème fondamental : celui de l’ambivalence qui affecte le rapport messianique à l’État sioniste dans sa forme moderne, à la fois moyen pour actualiser le rêve et limite à sa réalisation.
Cet été, le président Macron et le Premier ministre Netanyahu ont échangé des lettres. Que contenaient-elles ? Au-delà des cordialités, et de toute une série d’accusations et de contre-accusations, elles étaient l’occasion pour les deux chefs d’État de faire valoir leurs positions au sujet de deux véritables problèmes, qui les concernent plus ou moins directement : la montée de l’antisémitisme en Europe et l’avenir de la question palestinienne. Or, comme le remarque Gérard Bensussan dans le commentaire qu’il nous propose de cet échange épistolaire, on en sort plutôt songeur, voire confus. Car, le seul dialogue qui semble avoir eu lieu est un dialogue de sourds, où aucun des interlocuteurs n’a eu à cœur d’éclaircir ce qu’il en est des réalités en question. Au fond, on dirait presque qu’aucun des deux ne se soucie vraiment ni de l’antisémitisme, ni de la Palestine.
Face au succès rencontré la semaine dernière par le texte de Danny Trom – en particulier auprès d’une extrême droite juive qui nous a rappelé être bien trop virile pour connaître l’angoisse ou être capable de se lamenter –, nous laissons une semaine de plus à l’affiche « Lamentation et acharnement : Gaza sans fin ». Car on ne s’en sortira pas autrement : si le 7 octobre a démontré que même les forts pouvaient être contraints à la lamentation, alors il faudra bien faire une place à cette réalité, plutôt que de la laisser dégénérer en un acharnement guerrier à corps perdu.