1973, Badinter plaide contre l’antisionisme

Première application de la loi Pleven : un article de propagande soviétique à la barre.

 

En mars 1973, Robert Badinter prononce une plaidoirie — restée méconnue, mais capitale — lors du premier procès intenté en vertu de la loi Pleven, qui réprime l’incitation à la haine raciale. Face à un article de propagande soviétique où l’antisémitisme se déguise en antisionisme, l’avocat déploie une argumentation mêlant droit, histoire et mémoire juive.

À l’occasion de la panthéonisation de Robert Badinter, K. publie le texte intégral de cette plaidoirie, où s’illustrent son engagement contre l’antisémitisme et son attachement aux principes socialistes. L’ensemble est précédé d’une introduction et accompagné d’un appareil critique de notes de l’historien – et rédacteur en chef du Droit de vivre – Emmanuel Debono.

 

 

La panthéonisation de Robert Badinter aura été l’occasion de remettre en lumière le parcours d’une vie, celle d’une figure humaniste majeure de notre histoire nationale. Le combat contre l’antisémitisme mené par l’ancien Garde des Sceaux ne fut pas le moindre de ses engagements, au cours desquels droit et politique furent mis au service de l’émancipation des hommes. De son histoire familiale aux derniers commentaires qu’il put formuler sur l’actualité avant sa disparition[1], le 9 février 2024, en passant par sa magistrale condamnation du négationniste Robert Faurisson devant la XVIIe chambre correctionnelle en 2007, son parcours est l’expression d’une grande constance en la matière.

En toute cohérence, la famille de Robert Badinter n’avait pas souhaité, en février 2024, la présence d’élus du Rassemblement national et de La France insoumise à l’hommage national qui devait lui être rendu. Si le RN avait pris acte de ce souhait, ce ne fut pas le cas de la France insoumise qui fut représentée, le 14 février, par deux députés, dont Éric Coquerel. « Mettre l’extrême droite et LFI sur un même plan n’est pas conforme au principal des grands combats de Robert Badinter »[2], affirmait ce dernier, exprimant un point de vue sans doute partagé par son entourage politique. La profanation de la tombe de Robert Badinter au cimetière de Bagneux, le 9 octobre 2025, le jour même de sa panthéonisation, a provoqué une vive émotion de la classe politique, dont celle d’un certain nombre d’élus LFI. Ce jour-là, dans un message sur X, Éric Coquerel manifestait son « dégoût », sa « colère » et sa « tristesse » face à l’acte ignominieux, et annonçait une réponse de sa formation politique le soir même, « face à la haine et l’obscurantisme »[3].

Le procès de l’antisionisme

L’antisionisme qui caractérise La France insoumise, et dont il faut souligner l’expression radicale chez un certain nombre d’élus et de militants alignés sur les positions du Hamas et d’organisations proterroristes, de Samidoun au Collectif Palestine vaincra, du Front populaire de libération de la Palestine à Urgence Palestine, était honni par Robert Badinter. Conscient de la nature profonde de ce courant idéologique, l’avocat avait même été un précurseur dans son analyse lors d’un procès, en 1973, où il avait représenté la Ligue internationale contre l’antisémitisme (LICA, actuelle LICRA[4]) contre une publication de l’ambassade soviétique à Paris[5].

L’affaire, oubliée, que nous relatons ici est importante à plus d’un titre. Elle est d’abord une efficace dénonciation en règle de la propagande antisioniste et de ses liens organiques avec l’antisémitisme. Elle est ensuite le premier procès mené en application de la loi contre le racisme, promulguée quelques mois plus tôt, le 1er juillet 1972. Elle débouche enfin sur une condamnation de l’organe de presse qui a publié l’article incriminé. De cette décision de justice, Gaston Monnerville, ancien président du Sénat et vice-président de la LICA, dira, avec beaucoup d’optimisme : « Elle fera, à coup sûr, jurisprudence ».

Les débats et plaidoiries de ce procès nous sont connus par une publication conçue par François Musard, rédacteur en chef du Droit de Vivre, journal de la LICA[6]. La plaidoirie de Robert Badinter reproduite in extenso ci-dessous mêle plusieurs registres – historique, politique, religieux, intime – qui en font un témoignage exceptionnel, à notre époque où les juifs doivent faire face à une haine mondialisée et à l’obscurantisme de ceux qui contribuent à la propager.

« L’école de l’obscurantisme »

L’ambassade soviétique à Paris publie, dans un bulletin d’information de septembre 1972, la traduction française d’un article de l’agence de presse Novosti[7], chargée de diffuser la propagande officielle de l’URSS à travers le monde. Intitulé « Israël : l’école de l’obscurantisme », le texte attaque violemment l’État hébreu. L’antisémitisme du régime soviétique a été particulièrement réactivé par la guerre des Six Jours de juin 1967. Il culmine en ce début des années 1970, où les citoyens juifs de l’Union sont victimes d’une politique discriminatoire et se trouvent, notamment, empêchés d’émigrer en Israël[8].

L’article du bulletin URSS ne poursuit qu’un but : présenter les Israéliens sous les traits d’un peuple d’agresseurs, à grand renfort de calomnies. D’après l’auteur, qui écrit sous le pseudonyme de « Zandenerg », les Palestiniens des territoires occupés seraient la principale cible des Israéliens et les victimes de leur cruelle perversité. Dans son exposé, Zandenerg mobilise tous les artifices de la propagande antijuive. Les Israéliens y sont nazifiés : « Les musulmans sont parqués dans des ghettos, derrière les barbelés des camps de concentration ». La société israélienne tout entière est diabolisée, jusqu’aux enfants, qui seraient élevés dans la haine de leurs voisins : « les écoliers israéliens, à peine ont-ils appris à lire et à écrire, répondent à la question : “comment traiter les arabes ?”, “il faut les massacrer !”. La sauvagerie commence sur les bancs de l’école (…) ». L’auteur analyse ce qui constitue d’après lui la philosophie des manuels scolaires israéliens : « le monde doit appartenir aux adeptes du tout puissant dieu Jahvé, au nom de quoi ces derniers peuvent revêtir n’importe quel masque. Les biens des non judéens ne leur appartiennent que provisoirement, en attendant d’être remis entre les mains du “peuple élu”. Lorsque ce peuple surclassera numériquement les autres peuples “dieu les leur livrera tous à massacrer définitivement” ».

Comme toujours, dans la propagande antijuive, des citations apocryphes sont là pour étayer l’exposé. Censées provenir de sources religieuses, elles doivent venir établir la culture et la morale dans lesquelles évoluent les juifs. La prescription imaginaire suivante est ainsi rapportée : « Lorsqu’un judéen assiste aux derniers instants d’un Akum[9], il doit s’en réjouir ». Ou encore cette autre : « Les Akums ne sont pas à considérer comme des hommes ».

L’antisionisme sur le banc des accusés

L’article provoque un tollé à sa parution. Au-delà de l’ambassade israélienne, l’ensemble de la presse nationale réagit avec indignation. La LICA et la revue Rencontre entre chrétiens et juifs saisissent la justice. Depuis le 1er juillet 1972, la France s’est en effet dotée d’une nouvelle loi contre le racisme introduisant dans la législation française le délit de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence raciales[10]. Le dispositif juridique permet en outre aux associations antiracistes qui ont au moins cinq ans d’existence de se constituer partie civile, ce que ne manque pas de faire la LICA, mais ce dont s’abstient le Mouvement contre le racisme, l’antisémitisme et pour la Paix, fondé en 1949, satellite du Parti communiste[11].

À l’approche du procès, le bulletin URSS publie une mise au point qui prend la forme d’un mea culpa des plus ambigus. Si le communiqué regrette la généralisation opérée par l’auteur de l’article, il n’en attaque pas moins une campagne de dénigrement visant l’Union soviétique que mèneraient « les champions inconditionnels de la politique israélienne et qui supportent aisément ses actes racistes à l’encontre de la population arabe ». Le journal L’Humanité reprend intégralement cette mise au point le 22 mars 1973.

L’audience a lieu le 26 mars, devant la XVIIe chambre correctionnelle du Tribunal de grande instance de Paris. Face à l’accusation, la défense crie au complot, mais ses arguments pèsent peu ; le directeur de la publication, maire adjoint communiste de Nanterre, Robert Legagneux, se dédouane de toutes responsabilités en affirmant qu’il n’est qu’un prête-nom. Son avocat, Me Claude Michel, bataille contre ses détracteurs : si les termes de l’article sont exécrables, les juges doivent reconnaître que le « droit de critique du sionisme, de la politique israélienne doit rester libre et doit pouvoir s’exercer ».

Qui songerait toutefois à le contredire sur ce dernier point ? Les personnalités que la LICA fait citer à la barre comme témoins viennent les unes après les autres simplement dénoncer la nature d’un texte dont l’expertise montre qu’il s’inspire des Protocoles des Sages de Sion et d’une brochure élaborée en 1906, elle aussi fabriquée par la police secrète de l’Empire russe. René Cassin, les rabbins Kaplan et Guggenheim, l’historien Léon Poliakov, les prêtres Michel Riquet et Roger Braun… démontrent que les prétendues citations religieuses de l’article sont erronées, détournées, tronquées, inventées.

L’un des témoins souligne le fait qu’il n’y a pas de différence entre la propagande tsariste antijuive et celle du bulletin URSS. « La seule différence, ajoute-t-il, réside dans le remplacement du mot “Juif” par “sioniste”. »

La singularité du procès n’échappe pas aux témoins cités comme aux avocats de l’accusation : c’est l’héritage de Lénine qui est trahi ! Les condamnations de l’antisémitisme par le père de la révolution bolchevique sont piétinées, ce qui inspire aux deux avocats de la défense des plaidoiries sans concession.

À Me Gérard Rosenthal, d’abord, autre avocat de la partie civile, qui résume en une phrase la dérive à l’œuvre : « C’est un article qui, théoriquement, est articulé sur la guerre du Proche-Orient et une critique politique contre l’État d’Israël, mais immédiatement on passe à la critique du “Sionisme” et, d’un pas allègre, on franchit la barre, on passe à l’antisémitisme le plus abject en déclarant que tous ceux qui suivent la loi juive rêvent de massacres et d’expropriations ».

À Robert Badinter, ensuite, qui fait le constat suivant, plein d’amertume : « comme si elle n’attendait que son heure, nous l’avons vu [“ la bête”] réapparaître avec un vêtement idéologique nouveau, plus subtil, plus dangereux. Ah ! ce n’est plus au nom de la “race des seigneurs”, ce n’est plus au nom de la pureté de la race, ce n’est plus pour défendre contre la dégradation, ou la lèpre juive, la civilisation chrétienne ou la pureté aryenne : c’est sous les traits de la générosité, c’est sous les traits, paradoxe suprême, de l’antiracisme. C’est sous les traits de la défense des opprimés que nous l’avons vu apparaître ! »

Au terme de sa plaidoirie, Badinter conclut, implacable : « Si c’est toute la défense contre le mal, si c’est toute l’espérance de justice et de fraternité que porte un monde qui se veut socialiste, alors le procès d’aujourd’hui a presque une signification désespérée, parce que si le socialisme est aussi impuissant que cela contre les vieilles bêtes et les vieux démons, alors quel recours reste-t-il à ceux qui croient au socialisme ? »

Les plaidoiries des avocats illustrent fort clairement ce qui constitue des mécanismes historiques de la critique radicale d’Israël : la diabolisation d’un État, la dénaturation de ses valeurs, la déshumanisation de ses citoyens, afin de mieux justifier son éradication. Le tout de manière obsessionnelle.

Comme l’affirme Robert Badinter, les juges n’ont pas à répondre aux questions historiques et politiques que soulève l’affaire. Ils doivent en revanche, éclairés par le contexte ainsi que les éléments de l’enquête et un certain nombre d’avis compétents, évaluer les intentions qui ont motivé de tels propos. La décision de justice est finalement rendue le 24 avril 1973 par la XVIIe chambre correctionnelle : elle condamne sans détour l’antisémitisme que dissimule (mal) le masque de l’antisionisme.

Emmanuel Debono

 

Extrait de la bande dessinée « L’ABOLITION, LE COMBAT DE ROBERT BADINTER », scénario de Marie Bardiaux-Vaïente, dessin de Malo Kerfriden, éditions Glenat, 2025.

 

 

Plaidoirie de Robert Badinter prononcé le 26 mars 1973, lors du procès de la Licra et de la revue Rencontre entre chrétiens et juifs contre le bulletin « URSS », XVIIe chambre correctionnelle de Paris :

 

Monsieur le Président,

Messieurs,

Mes amis[1] présents à cette barre m’ont laissé le soin de parler le dernier de la partie civile, dans cette affaire. Je les en remercie, dans la mesure même où c’est, pour un avocat français et juif, arrivé à la maturité, une circonstance étrange, un moment exceptionnel que d’avoir à invoquer en France, pour la première fois, ce texte de loi, sur la provocation raciale[2]. Cette loi, je le souligne volontiers, car le Président Monnerville[3] a été incomplet sur ce point et je tiens à être complet, est due en premier lieu aux diligences du groupe communiste à l’Assemblée Nationale en 1968[4].

J’ai eu la curiosité de faire l’historique complet du texte : c’est le groupe communiste qui a, le premier, déposé la proposition de loi concernant la provocation raciale.

Je trouve, à dire vrai, étonnant que ce soit à propos d’une provocation antisémite que ce texte connaisse sa première application. Lorsque le Président Pierre-Bloch[5] m’avait entretenu pour la première fois de ce texte important, nous avions ensemble considéré que ce serait à l’égard d’autres victimes que les juifs, de l’obsession, du fanatisme, de cette passion multiséculaire et dégradante qui s’appelle le racisme, que ce texte s’appliquerait.

Nous pensions que ce serait au profit d’autres victimes, les travailleurs nord-africains, les Noirs, tous les ilotes de la société française, que nous poursuivrions ces écrits, dégradants pour ceux qui les publient, plus dégradants encore pour ceux qui les écrivent, déshonorants même pour ceux qui les acceptent sans indignation.

Ce temps viendra, ne nous faisons pas d’illusion. Aucun d’entre nous ne doit se faire à cet égard d’illusion. Pierre-Bloch retrouvera le chemin de l’audience dans d’autres procès de cet ordre. Gérard Rosenthal[6], Aubourg[7], moi-même, d’autres encore, seront là. Parce que la haine, le racisme, les provocations raciales ou religieuses ne sont pas près de s’effacer. Mais aujourd’hui, la singularité, le paradoxe, veut que ce soit pour des écrits antisémites, publiés sur le territoire français à partir de faux forgés en URSS, ce pays qui a porté à un moment de l’Histoire l’espérance de l’Homme, que ceux que nous poursuivons viennent les premiers subir les rigueurs, morales – nous ne demandons pas plus – mais exemplaires, nous l’exigeons tous, de votre justice.

Que M. Legagneux[8], qui, je veux le croire, est entraîné ici par une politique qu’il n’a pas voulue, s’en aille rassuré, et qu’il rassure sa femme[9] : nous ne poursuivrons pas contre lui l’exécution des astreintes, si astreintes il y a. C’est autre chose que nous poursuivrons, de bien plus important.

Ce procès contre l’antisémitisme démasque la nature de l’antisémitisme, ce mal que nous dénonçons et qui, jour après jour, prend de plus en plus corps et consistance, en réalité sous les traits de ce que l’on appelle l’antisionisme

Tout de même… tout de même, s’il est opiné, surprenant, comme il est extraordinaire et révélateur le procès d’aujourd’hui ! Comme il est révélateur, d’abord, de ce que tant d’entre nous, chrétiens et juifs, nous nous obstinons aujourd’hui à dire à des hommes que leurs convictions, leurs passions, leurs raisons de combat devraient plus que tous autres incliner à se défier, à voir vers quoi et dans quoi ils s’engagent ! Comme les avertissements que nous avons prodigués en vain prennent ici leur illustration exemplaire. Comme ce procès contre l’antisémitisme démasque la nature de l’antisémitisme, ce mal que nous dénonçons et qui, jour après jour, prend de plus en plus corps et consistance, en réalité sous les traits de ce que l’on appelle l’antisionisme[10]. C’est l’antisémitisme multiséculaire qui fait renaître un foyer que nous croyions que le sang de six millions d’innocents avait éteint !

Je pensais bien qu’il y avait encore quelques attardés, des fanatiques irrécupérables, quelques délirants, pour, de temps à autre, dire : « C’est la faute des Juifs ! » et reprendre les vieux, les dégradants slogans de l’antisémitisme[11].

Je me disais : « La bête, celle qui n’est jamais rassasiée selon l’Écriture, la bête ignoble, cette fois-ci est peut-être gavée ».

Et puis, comme si elle n’attendait que son heure, nous l’avons vu réapparaître avec un vêtement idéologique nouveau, plus subtil, plus dangereux.

Ah ! ce n’est plus au nom de la « race des seigneurs », ce n’est plus au nom de la pureté de la race, ce n’est plus pour défendre contre la dégradation, ou la lèpre juive, la civilisation chrétienne ou la pureté aryenne ; c’est sous les traits de la générosité, c’est sous les traits, paradoxe suprême, de l’antiracisme.

C’est sous les traits de la défense des opprimés que nous l’avons vue apparaître ! L’antisionisme est né à la faveur de la tension internationale, du conflit international, de la lutte armée, qui met en jeu l’existence de l’État d’Israël, le droit des Israéliens, reconnu par le monde entier, à vivre en hommes libres, dans la terre qui est devenue la leur. Je dis volontiers à ceux qui évoquent les souffrances du peuple palestinien qu’il n’y a pas un Juif nourri aux sources de la tradition juive, qui ne pense à ce drame du peuple palestinien, par voie récursoire, sans doute, mais elle était inévitable, c’est à l’antisémitisme, aux crimes commis en Europe contre des millions d’innocents juifs, que nous devons son origine.

Quand Théodore Herzl, dans le climat de la fin du dix-neuvième siècle, rêvait pour la première fois à la constitution d’un État sioniste, c’était à Paris, rue Cambon – il y a une plaque sur l’hôtel où il vécut –, à la fin de l’affaire Dreyfus. Cet homme de cœur se disait : « Si cela arrive en France, le pays qui a donné aux juifs, le premier, la condition d’hommes libres, alors cela arrivera partout. Et c’est ailleurs, dans une autre direction que les Juifs doivent maintenant chercher leur destin ». C’est de là, et pour cette raison-là, qu’est né le Sionisme.

Si l’État d’Israël est né, si aujourd’hui il existe, s’il est tel qu’il est et par tant de côtés, je n’hésite pas à dire que nous sommes fiers qu’il soit tel qu’il est, c’est aussi parce que, pour ceux qui sont arrivés ensuite par l’ « Exodus »[12] ou autrement, il n’y avait pas de choix. Et pour ceux qui tentent d’y arriver aujourd’hui, parfois au péril de leur vie, il n’y a pas non plus de choix.

Alors quand, après cela, je vois avec quelle facilité, avec quelle promptitude on se précipite vers les accusations antisionistes, il me serait facile de dire ce qu’il en est. Les exactions des armées israéliennes ?… Allons donc ! J’ai là des pages et des pages de documents, il me serait facile de dire comment les choses se passent en réalité. Mais ce n’est pas notre procès. Nos amis israéliens m’ont dit : « Ne le faites pas, ce procès-là, nous vous demandons de ne pas le faire ; ceci est notre problème, ce n’est pas le vôtre ».

Mais tout de même – un mot – quand je vois que, dans ce Bulletin, nous avons en prélude à ce que l’antisémitisme séculaire a produit de plus traditionnel et de plus bas, quand je vois que le chapeau en est d’abord l’attaque contre l’armée israélienne[13], l’attaque contre Israël, l’attaque contre l’éducation israélienne, je pense qu’il faut bien peu connaître Israël, et bien peu connaître l’amour, la passion, que les Israéliens ont voués à l’éducation de leurs enfants, et la façon dont ils les élèvent, pris comme ils le sont par la nécessité de la survie, en présence d’actes de guerre, pour les dépeindre ainsi.

Il faut quand même nous rappeler la vérité, même si par moments j’ai l’impression que, pour des raisons de politique internationale, la conscience internationale se tait bien facilement quand il s’agit des athlètes israéliens tués comme des lapins sur un aérodrome[14] !

La vérité est que les enseignants et les parents israéliens prennent des soins infinis pour que ces garçons et ces filles, à l’âge de la plus vive sensibilité, ne soient pas soulevés par la passion, la haine, le désir des représailles et de la vengeance. Je leur rends ce témoignage, et il n’est pas un visiteur, pas un, qui puisse dire le contraire. Dans n’importe laquelle des Universités, des écoles, et même simplement des réunions, le soir, après le travail, dans les kibboutzim, on peut voir qu’Israël n’est pas la patrie ni l’école de la haine. C’est cela la vérité, n’en déplaise aux antisionistes. Seulement, face à cette vérité, on préfère l’école du faux, on utilise les classiques, mais on fait aussi du moderne. L’école du faux, nous en avons dans ce Bulletin un exemple saisissant en ce qui concerne l’antisionisme. Mais il en est d’autres illustrations. Prenons le frère jumeau de ce bulletin. Son édition italienne[15]. C’est encore du Novosti, fabrication Moscou, octobre 1972.

Ce Novosti-là, publié après le Bulletin aujourd’hui en question, devant nous, mais non diffusé en France, par conséquent échappant à vos rigueurs, ce Novosti-là, reprenant et développant les textes forgés, les faux dont j’ai parlé, ce Novosti-là se termine en indiquant que, en ce qui concerne ces textes, les Israéliens – on les appelle les « sionistes »[16] – auraient bien tort de s’indigner car cette remarque sur l’école israélienne comme école de la haine provient d’une étude du professeur américain Tamarin, qui a publié les résultats de ses observations sur le système de l’éducation en Israël.

Bien entendu, je voulais, moi aussi, connaître les bouleversantes révélations du professeur Tamarin, qui motivent si fermement une prise de position si catégorique. J’ai les textes, la référence des pages est donnée dans le Bulletin, édition italienne.

Cette constante de l’antisémitisme qui, ici, se précipite dans le prétexte que lui donne la lutte antisioniste. C’est cela qu’il y a de plus remarquable et de plus douloureux dans notre procès.

Ceci se passe en 1963. Un psychiatre, M. Tamarin, se préoccupe, à juste titre – c’est du domaine de la psychiatrie avancée – de l’influence que peuvent avoir les représentations des textes sacrés sur les esprits enfantins ; question qui, on le voit, en période œcuménique et en présence des Conciles que nous connaissons[17], n’est pas sans importance.

Alors M. Tamarin utilise un texte et ce texte est le suivant : on pose à des écoliers israéliens ces questions :

« On connait le massacre de Jéricho par Josué, les trompettes, etc… on connaît le second massacre dans d’autres lieux, par Mardochée. Première question : approuvez-vous le comportement de l’époque des héros bibliques[18] ?
Deuxième question : « êtes-vous d’accord pour considérer que si des soldats israéliens prennent un village arabe ils doivent se comporter de la même façon ? »

C’étaient des enfants de 8 à 12 ans ; j’ai les résultats, inscrits. Les voici :

En ce qui concerne l’approbation de la politique biblique – appelons les choses ainsi – :

Pour 66%

Contre 26%

Mais en ce qui concerne – c’est là l’intérêt – la même question pour les soldats israéliens, alors les chiffres sont exactement inverses, c’est-à-dire :

Pour 30%

Contre 66%. C’est essentiel.

J’ajoute que, pour préciser les choses, on a raffiné, comme on dit, l’étude, on a analysé les raisons et on a constaté que ceux qui étaient pour, étaient des enfants originaires, pour la très grande majorité, de pays arabes où ils avaient connu des tensions particulièrement violentes dans les mois précédant leur venue en Israël[19].

Alors nous sommes en présence d’un faux. Lisez le bulletin de Novosti : « Massacrez-les tous, c’est l’enseignement israélien ». Lisez le texte auquel Novosti se réfère. Vous verrez que l’auteur dit : « Attention, voici une projection dangereuse pour une minorité d’enfants ». Or, à partir de là, les autorités scolaires ont veillé à ce que l’interprétation et le commentaire accompagnent l’enseignement et expliquent que les héros bibliques sont des héros bibliques, que leurs actions sont légendaires et ne doivent pas être prises comme exemples dans la réalité quotidienne.

Je pourrais aussi facilement continuer, en ce qui concerne l’école israélienne. Mais, encore une fois, ce n’est pas notre problème.

Notre problème c’est, je le disais tout à l’heure, cette constante de l’antisémitisme qui, ici, se précipite dans le prétexte que lui donne la lutte antisioniste. C’est cela qu’il y a de plus remarquable et de plus douloureux dans notre procès.

De plus remarquable et de plus douloureux, pourquoi ? Parce que les nazis étaient les nazis ; il n’y avait à attendre d’eux, pour les Juifs, que la mort ; pour les Russes que l’esclavage et pour les autres pas grand-chose de mieux. Hitler, dans ses délires, avec la logique paranoïaque qu’on évoquait tout à l’heure, disait : « Puisque les Juifs disent que les textes sont faux, c’est donc qu’ils sont vrais ».

Mais la constance, comme dirait M. Poliakoff, du « bréviaire de la haine » est ici saisissante[20]. On nous dit : « Ces textes arrivent de Moscou ». Dieu merci, on ne les fabrique pas à Paris. Ils sont, je le crois, traduits à Paris, ou revus à Paris ; mais peu importe, la traduction est peut-être une expression de la création littéraire, elle n’est en tout cas pas une création littéraire directe.

Mais ce texte, comment a-t-il été fabriqué à Moscou ? Maintenant nous le savons. Ce n’est pas simplement, traînant dans quelque bibliothèque mal archivée, un texte sur lequel un fonctionnaire peu consciencieux se serait penché, dont il aurait pris une citation, sans prendre garde au contexte. Enfin, mettons-nous par la pensée à Moscou, en 1972 : le voilà ce texte ! La couverture a de quoi faire frémir d’horreur n’importe quel communiste.

Un texte de 1906, qui s’appelle en russe : « Pourquoi les Juifs n’ont pas de droits, etc… » qui est publié sous le pseudonyme de Volzov[21], dont la teneur est le recueil le plus abject des calomnies les plus classiques de l’antisémitisme : est-ce que ce texte ne devrait pas faire horreur à un communiste soviétique ?

On ne peut pas tomber plus bas pour des citoyens soviétiques que de fabriquer, comme hélas leurs arrière-grands-pères, qui, eux, n’étaient pas soviétiques, ces documents ignobles, diffusés à travers le monde, en disant : « Voilà dans quelle idéologie on élève les sionistes ».

Car si quelque chose peut dégoûter un communiste soviétique, c’est un texte de l’Okhrana[22] ! Ou alors il ne mérite ni le nom de communiste ni celui de soviétique. S’il y a un monstre crochu que l’on a dénoncé chez les communistes russes, à juste titre, c’est l’Okhrana ; tout le monde sait que les Protocoles de Sion[23] ont été fabriqués avec l’argent de l’Okhrana.

Voyez la date du texte : 1906… ce n’est pas non plus un hasard. C’est un supplément d’infâmie, car 1906 c’est immédiatement après la Révolution et l’échec de 1905, et 1906 c’est immédiatement avant les grands pogroms de 1906 et 1907[24].

Et quand Lénine disait (après la révolution de 1905) :

« Des millions de roubles sont dépensés pour fabriquer de la propagande antisémite », eh bien, c’était à ce texte aussi qu’il faisait allusion.

Alors, c’est quelque chose de fou, d’incroyable (et c’est pourquoi ce procès est si précieux, si important et qu’il aura un écho international), c’est quelque chose d’inimaginable de penser que l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques, en 1972, prend un texte de l’Okhrana de 1906, un texte qui a été dénoncé par Lénine, et le diffuse dans le monde entier après l’avoir maquillé !

Je me tourne vers ceux qui sont animés par l’idéologie communiste, et je leur dis : est-ce que c’est cela votre espérance ? Enfin, peut-on imaginer quelque chose de pire que de penser – et croyez-moi, quand on connaît la bureaucratie soviétique, ça ne s’est pas passé sans contrôle, ce texte a dû remonter la filière, il n’est pas arrivé jusqu’à Paris par hasard et, certainement, il a été vérifié – que c’est un texte de l’Okhrana, payé par les Cent-Noirs[25], flétri par Lénine, qui est utilisé par le Bulletin de l’URSS ?

Pour quoi faire ? Pour exciter, à la faveur de la constance de l’antisémitisme, les passions antisionistes.

Je dis qu’on ne peut pas tomber plus bas, lorsqu’on est un citoyen soviétique, lorsqu’on a lu – je l’espère – les écrits de Lénine[26], que l’on a lu – je veux le croire – la Constitution soviétique[27], que l’on a reçu – je le pense – l’enseignement soviétique qui dit « la discrimination raciale est une honte ». On ne peut pas tomber plus bas pour des citoyens soviétiques que de fabriquer, comme hélas leurs arrière-grands-pères, qui, eux, n’étaient pas soviétiques, ces documents ignobles, diffusés à travers le monde, en disant : « Voilà dans quelle idéologie on élève les sionistes ».

Car c’est ça le procès. On dit : « Voilà dans quelle idéologie on élève les sionistes, on les élève dans cette idéologie-là ! ». Et pour la rendre plus odieuse, on la fabrique avec des faux qui ont fait leurs preuves.

Je le dis du fond du cœur : je plains beaucoup le pays où l’on n’a pas hésité à fabriquer des faux pour servir une cause dégradante. Je plains ceux qui y vivent et j’ai eu un instant de pitié, de regret et d’affection spontanée pour ce témoin chevelu, avec sa belle tête de Russe juif, qui est venu ici témoigner, qui avait tant envie de dire ce qu’il avait vu parce qu’il en avait tant vu et que n’avons pu entendre assez longuement. Il m’a dit cette chose extraordinaire, que je livre à ce Tribunal, cet éloge de notre justice, qui n’en reçoit pas si souvent, il m’a dit : « Cette fois-ci, je suis sûr de sortir libre du Tribunal »[28].

Alors, après cela ? Eh bien, la cause, les Protocoles de Sion, leur obscur cheminement et pour finir le bulletin imprimé à Paris, la constance de l’antisémitisme, l’exploitation de l’antisémitisme, est-ce qu’il n’y a pas là, pour n’importe lequel d’entre nous, de quoi s’interroger, de quoi rêver ? Parce que, tout de même, je le disais, ce n’est pas un hasard, c’est une politique. Et une politique, dans un pays où tout ce qui est politique est si minutieusement filtré et contrôlé, ça n’est pas non plus l’effet de l’initiative d’un fonctionnaire, c’est quelque chose de plus profond, c’est quelque chose sur quoi il faut s’interroger, c’est quelque chose sur quoi il faut que chacun de nous réfléchisse profondément.

Parce que, tout de même – un instant de grâce et de repos pour moi – il est douloureux que ce soit de Russie que ces choses nous viennent, il est bon que ce soit en France que ces choses soient condamnées.

Moi, à la différence de Me Rosenthal, j’ai grandi dans la tradition juive. Je la connais assez mal. J’ai été un mauvais élève. Le Grand Rabbin Kaplan[29] me pardonnera cet aveu tardif, il l’avait certainement constaté ! J’étais un mauvais élève, mais ce que je sais, comme tous ceux qui de près ou de loin ont mesuré quand ils l’ont approchée (pas dans les projections abjectes de l’Okhrana) la réalité de la tradition juive, c’est que s’il y a un mot qui n’a pas de sens dans cette tradition, c’est le mot « haine », et s’il y a un mot qui a une force, une plénitude, une richesse vécue, c’est le mot « amour ».

C’est vrai, et vous le savez, pour les Juifs entre eux. Mais ce n’est pas seulement au sein des familles juives, c’est quelque chose d’autre, c’est quelque chose de beaucoup plus profond que cet amour juif, qui dépasse le cercle du Judaïsme.

Au fond, je me suis toujours dit que, dans les rapports qu’ils ont avec les non-Juifs, les Juifs, mes coreligionnaires, qu’ils me le pardonneront, sont tous un peu Silbermann[30], ils sont tous demandeurs d’amour. Et quand ils en reçoivent, sachez-le, ils ont une impression de fête parce que ce n’est pas seulement un besoin, c’est la réponse à l’interrogation fondamentale.

J’ai là, je les ai appris les uns après les autres – j’ai rattrapé mon retard au moins sur ce point – les textes de la tradition juive ; j’ai le texte de la Pâque juive et j’ai, lié au texte de la Pâque juive, le souvenir des soirées vécues de la Pâque juive. Et ce n’est pas un hasard si, le soir de Pâque, il est dit que les Juifs ne doivent pas se réjouir parce que les Égyptiens ont été noyés. J’ai retrouvé le texte de Maïmonide[31] qui le commente[32] ; je ne le lirai pas parce que le tribunal le verra, et parce que j’ai le souvenir bien plus fort de la façon dont mon père, ou les Juifs présents, disaient au petit gamin qui était là : « Vous comprenez, quand meurt l’ennemi d’Israël, il n’y a pas de joie possible ».

C’est cela l’école du Judaïsme.

Et puis j’ai ici le livre du pauvre Edmond Fleg[33] ; j’ai ici tous les passages de la tradition de l’époque talmudique, et tous ceux de l’époque rabbinique. Vous y verrez rappelé le principe fondamental : « Faire tort à un étranger, c’est comme si on faisait tort à Dieu lui-même », et l’ensemble des prescriptions. Elles se succèdent, et les textes là sont exacts, croyez-moi :

« C’est l’usage que de souhaiter à l’ouvrier, non seulement Juif, mais aussi non Juif, que son travail prospère. »

« Si l’on donne l’occasion de pécher à qui que ce soit, Juif ou non Juif, on pèche contre le commandement “Ne place pas d’obstacle sur le chemin de l’aveugle”. »

« Il ne faut pas plus interdire au pauvre non Juif qu’au pauvre Juif de glaner, de prendre la gerbe oubliée, de faire la récolte du coin de champ réservé aux pauvres. »

« On doit témoigner le même respect au vieillard non Juif et lui tendre la main pour le soutenir. »

Et l’anecdote célèbre :

« Qui nuit à son prochain, Juif ou non Juif, au moyen de fausses mesures, ou de faux poids, pèche contre le commandement “Ne commets pas d’iniquité” ». En fait de poids et de mesures, un Israélite raconte qu’il avait vendu à un non Juif des dattes et avait fait un plus grand bénéfice en faussant la mesure ; avec son bénéfice, il s’était acheté une cruche d’huile. Mais cette cruche éclata et toute l’huile fut perdue. Alors, le Rabbin lui dit : « Loué soit Dieu qui ne fait point d’exception de personne ! car il est écrit : “Ne commets pas d’extorsion sur ton prochain ; le non Juif est ton prochain, le bien que tu lui as dérobé, tu le dois au péché” ».

J’ai comme cela cinquante citations, cinquante paraboles. Mais je n’ai pas besoin d’insister. Je regrette que M. Elie Wiesel[34] ne soit pas venu, je regrette que l’interprète de la tradition hassidite ne soit pas venu à la barre rappeler ce qu’est précisément cet amour du prochain qui bat dans le cœur juif. Je le regrette.

Une dernière anecdote, que je tiens de lui, se passe en 1944 :

« Le train roule de Hongrie vers Auschwitz et le Rabbin console, et le Rabbin exhorte, et le Rabbin dit : “tant de souffrance ne sera pas perdue, le Messie apparaîtra”.

À cet instant, un jeune garçon l’interrompt et lui dit : “Rabbin, si le Messie vient, est-ce que, à ce moment-là, tous les hommes seront bons ?”. Le Rabbin lui dit “Bien sûr !” et le garçon marque un temps d’arrêt et dit : “Et si le Messie vient, les méchants, on leur pardonnera ?”. Le Rabbin hésite, mais le commandement est le commandement et la tradition et la tradition. Il dit : “Lorsque le Messie viendra, les méchants seront pardonnés, et ils deviendront bons”. Le gamin insiste et dit : “Et ceux qui nous déportent, il leur sera pardonné aussi ?”. Et le Rabbin attend, attend, attend et il finit par lui dire : “Oui”. Et la seule réponse du gamin, c’est : “Alors, je comprends qu’il ne soit pas pressé de venir !”. »

Comment est-ce que cela peut se faire ? Comment cela peut-il arriver ? Comment ainsi puiser aux sources de l’antisémitisme pour essayer de le faire renaître encore derrière le masque de l’antisionisme ?

Eh bien, c’est pour cela, à cause de cela, pour ceux qui travestissent la vérité sur les Juifs depuis des siècles en vertu du principe : « Tu haïras celui dont tu crois qu’il te hait », c’est pour cela qu’il est important, non seulement pour les Juifs, mais pour tous ceux – et je pense à « Rencontre »[35], au Père Braun[36], au Père Riquet[37], l’immense majorité, Dieu merci, qui sont comme eux – qu’il est important qu’une décision intervienne, empreinte de la dignité qui s’attache, pour des raisons d’une force historique éclatante pour les Juifs, à toutes décisions de justice française, car je n’ai pas de pudeur à le dire : nulle part hors de France, si ce n’avait été la justice française, Dreyfus n’aurait échappé à l’injustice de son temps.

Et Rosenthal me permettra d’évoquer un souvenir. C’était en France, à Paris, qu’en 1928 – c’était un tout jeune homme – il faisait ses débuts au Palais. Le même Maître, assisté par lui et que j’ai servi plus tard, je veux dire Henry Torrès[38], dont je suis heureux de citer ici, en ce moment, le nom, a fait acquitter par une Cour d’Assises française, Schwartzbard[39] qui avait abattu à Paris l’ataman des cosaques, Petliura[40], qui avait commis tant de pogromes ; et ce jour-là, à travers toute l’Europe, je dirai à travers le monde, dans toutes les communautés juives, partout, on a remercié et prié en l’honneur des Français.

Ce n’est pas pour nous autres un mince souvenir et je me plais à le rappeler ici, en cette audience. Le jugement qui sera rendu est un jugement qui n’est pas comme tant de ceux que la vie judiciaire, la routine, les conflits parisiens ou les rivalités politiques amènent à rendre. C’est un écho de la conscience humaine, et je lui vois dans son libellé, pas dans son dispositif, une double et considérable portée pour ceux qui, comme moi et comme vous, attendent le rappel solennel de ce que l’antisémitisme est une plaie et que l’antisémitisme se nourrit de crimes et de faux à travers les siècles et les régimes.

Pour ces raisons, pour tous ceux-là, il y aura émotion et gratitude. Pour les autres, pour certains autres, s’y ajoutera quelque chose de plus et qui est pour eux également important. C’est cette interrogation fondamentale que nous ne pouvons pas ne pas poser : un grand pays a pris en son temps les chemins du socialisme, un grand pays a renversé un pouvoir tyrannique, s’est engagé dans une direction qui est une aspiration fondamentale à une société qui soit enfin juste et fraternelle.

Les décades, les années ont passé, et c’est ce grand pays qui se réclame de ce message, de cette espérance, qui, d’un coup, reprend dans les bas-fonds les horreurs qu’il a combattues et abattues, les textes les plus dégradants, pour les utiliser à son tour.

L’interrogation qui se pose à ce moment-là est la suivante : parce que, objectivement, les pays arabes sont soutenus par ce que j’appellerai à dessein l’impérialisme soviétique, comme Israël est soutenu par ce que j’appellerai à dessins l’impérialisme américain, parce que l’impérialisme hélas, n’est pas seulement lié à une structure économique ou politique, mais également à une dimension internationale, est-ce que, dans ce combat entre impérialismes, il faut aller jusqu’à démentir les aspirations qui sont celles qui pourraient rallier valablement les cœurs épris de justice ?

Ce sera la première interrogation qu’ils se poseront : est-ce que ça vaut la peine ?

Et puis la seconde est la suivante :

Comment est-ce que cela peut se faire ? Comment cela peut-il arriver ? Comment ainsi puiser aux sources de l’antisémitisme pour essayer de le faire renaître encore derrière le masque de l’antisionisme ? Et cela après combien d’années ? 53 ans, 54 ans depuis que Lénine parlait sur la place Rouge ?

Si c’est toute la défense contre le mal, si c’est toute l’espérance de justice et de fraternité que porte un monde qui se veut socialiste, alors le procès d’aujourd’hui a presque une signification désespérée, parce que si le socialisme est aussi impuissant que cela contre les vieilles bêtes et les vieux démons, alors quel recours reste-t-il à ceux qui croient au socialisme ?

C’est tout. À ces interrogations-là, le Tribunal n’a pas à répondre.
À la nôtre, qui est pressante, il répondra et, avec confiance, j’attends sa décision.


Robert Badinter

 

[1] Les deux autres avocats de la partie civile sont Me Didier Aubourg et Me Gérard Rosenthal (voir notes 6 et 7).

[2] La loi contre le racisme a été promulguée le 1er juillet 1972. Elle introduit, aux côtés de l’injure et de la diffamation, le délit de provocation à la haine, à la violence et à la discrimination raciale. L’ethnie, la religion et l’appartenance réelle ou supposée à une nation sont les trois autres critères qui permettent de caractériser ces délits. Le procès du bulletin URSS est la première procédure judiciaire où cette loi (dite « loi Pleven ») est appliquée après son entrée en vigueur.

[3] L’ancien président du Sénat Gaston Monnerville (1897-1991) milite de longue date à la LICA. Engagé dans la dénonciation du nazisme, il rejoint son comité central en 1935. Proche du fondateur de l’association, Bernard Lecache (1895-1968), il reste fidèle à l’association dans l’après-guerre. Il participe notamment à ses activités juridiques. De mars 1974 à mars 1983, Monnerville sera membre du Conseil constitutionnel.

[4] La loi contre le racisme de 1972 a été rédigée par les avocats du Mouvement contre le racisme, l’antisémitisme et pour la paix (MRAP) sous la direction de Léon Lyon-Caen, président de cette association de 1953 à 1962. Le texte du MRAP, soumis à l’Assemblée nationale par le groupe communiste et adopté à l’été 1972, a été déposé à plusieurs reprises au cours des années 1960 sur le bureau de l’Assemblée nationale – et pas uniquement par des députés communistes.

[5] Jean Pierre-Bloch (1905-1999) est membre du comité central de la LICA à partir de 1935. Journaliste, député de l’Aisne (socialiste), il s’engage dans la Résistance et rejoint la France Libre. Délégué général au Commissariat à l’Intérieur, il est conseiller général de l’Aisne de 1945 à 1967. Il préside la LICA de 1968 à 1993, mais aussi la Commission nationale consultative des droits de l’homme, de 1986 à 1989, dont il sera le président honoraire de 1989 à sa mort.

[6] L’avocat Gérard Rosenthal (1903-1992) représente la LICA au côté de Robert Badinter. Proche des surréalistes, il fut membre du Parti communiste. Collaborateur un temps de l’avocat Henry Torrès, il assista ce dernier, en octobre 1927, dans la défense de Samuel Schwartzbard, assassin de Symon Petlioura. Ce procès fut suivi de la création de la Ligue internationale contre les pogromes, qui devint la LICA en 1929. Rosenthal en fut toujours le compagnon de route. Il fut l’avocat de Léon Trotski. Résistant sous l’Occupation, il rejoignit la SFIO après la guerre.

[7] Didier Aubourg est dans ce dossier l’avocat de la revue Rencontre entre chrétiens et juifs.

[8] Robert Legagneux est maire-adjoint de Nanterre et directeur de la revue Études soviétiques d’information. Pendant l’audience, il explique que, par tradition, le directeur de cette revue signe le bulletin URSS.

[9] Au cours des débats, Robert Legagneux rapporte les craintes de son épouse d’être obligé de payer une amende à la place de l’ambassade, en cas de condamnation.

[10] Cette affaire survient cinq ans après la guerre des Six Jours, qui a déclenché une importante vague antisémite à travers le monde. En France, l’antisionisme s’exprime avec une force virulente, de l’extrême gauche à l’extrême droite. Si l’opinion française éprouve majoritairement de la sympathie à l’égard d’Israël, de nombreuses voix s’élèvent à gauche pour condamner l’État hébreu. Voir Emmanuel Debono, « De la lutte contre le sionisme à l’antisémitisme : l’ancrage d’une passion dans la société française (1969-1970), Archives Juives, n°55, 2e semestre, pp. 32-61.

[11] Il existe toujours une extrême droite antisémite après 1945, qui exprime ses idées dans des publications comme Aspects de la France, Rivarol ou Charivari. Des groupuscules tels que Jeune Nation ou la Fédération d’action nationale et européenne (FANE) s’efforcent de mobiliser sur le thème de l’antisémitisme. En octobre 1972, quelques mois avant le procès du bulletin URSS, d’anciens membres des Waffen-SS, des néo-nazis et d’ex-membres de l’OAS fondent le Front national.

[12] En juillet 1947, l’Exodus, bateau affrété par la Haganah et parti de Sète avec 4500 survivants de la Shoah à bord, subit la répression de l’armée britannique à proximité de la côte palestinienne et se voit refouler. Il s’agit pour les autorités de limiter l’immigration juive afin d’éviter les tensions avec les populations arabes. Le grand retentissement médiatique de ce drame pèsera lourdement dans le processus de création du futur État d’Israël.

[13] Le début de l’article évoque les événements de Deir Yassin du 9 avril 1948 au cours desquels des dissidents de la Haganah ont attaqué un village arabe. Il y eut une centaine de victimes, les unes tuées pendant les combats, les autres, parmi lesquelles des enfants, après la bataille.

[14] Les 5 et 6 septembre 1972 a eu lieu la prise d’otages des athlètes israéliens aux Jeux olympiques de Munich par le groupe terroriste palestinien Septembre noir. Elle se solde par le massacre d’onze d’entre eux, notamment sur l’aéroport de la base aérienne de l’OTAN de Fürstenfeldbruck. Les terroristes avaient demandé la mise à disposition d’un avion pour rejoindre le Caire. Cinq terroristes sont abattus par la police allemande.

[15] Un mois après la parution de l’article du bulletin URSS incriminé, l’agence Novosti récidive avec un article de même facture, diffusé dans le bulletin de Londres et de Rome. Il comporte les mêmes accusations, les mêmes outrances, et fustige les réactions suscitées par l’article du 22 septembre 1972 : « Face à l’opinion publique mondiale, les Sionistes essaient de cette manière de retenir la marée des preuves et des critiques. Ils ont recours à l’hypnotisme d’accusations comme celles de “racisme” et d’“antisémitisme”, ridicules et insensées dans une telle situation. Qui les croira ? Ce n’est pas l’article soviétique, mais Tel-Aviv qui incite à la haine raciale en refusant de se soumettre à la volonté des Nations Unies et de libérer les territoires arabes occupés ». in Le Procès de la LICA… op. cit., p. 94.

[16] Lire Emmanuel Debono, « Ce que l’invective “sionistes” veut dire », Les Études du Crif, n°67, juillet 2025, pp. 43-60.

[17] Le deuxième concile œcuménique du Vatican (Vatican II) s’est ouvert le 11 octobre 1962 et terminé le 8 décembre 1965. Le 28 octobre 1965, la Déclaration sur les relations de l’Église avec les religions non chrétiennes, Nostra Aetate, est approuvée très majoritairement. Elle va profondément renouveler l’enseignement de l’Église sur le judaïsme en condamnant l’antijudaïsme traditionnel.

[18] La bataille de Jéricho (vers le XIVe siècle avant notre Ère) est relatée dans le livre de Josué. D’après le récit biblique, le peuple d’Israël vient à bout de la ville en faisant sonner ses trompettes sous l’enceinte qui s’écroule alors. Ses habitants sont passés au fil de l’épée.

[19] Cet exode est celui de plusieurs centaines de milliers juifs qui résidaient dans des pays arabes et musulmans, après la création de l’État d’Israël. Ils y furent victimes de persécutions, de la confiscation de leurs bien et de pogroms, comme au Yémen, en Égypte, en Syrie, en Irak et en Libye. Voir notamment Georges Bensoussan, Juifs en pays arabes : le grand déracinement 1850-1975, Paris, Éditions Tallandier, 2012.

[20] Léon Poliakov (1910–1997) a été l’un des premiers historiens du Centre de Documentation juive contemporaine (CDJC) créé sous l’Occupation. Au procès de Nuremberg, il est l’assistant, en tant qu’expert, d’Edgar Faure, procureur général adjoint de la délégation française. Avec Joseph Billig, il en rapporte de nombreux documents qui vont nourrir les fonds du CDJC. En 1951, il publie Bréviaire de la haine, qui constitue la première grande étude d’ensemble sur la politique d’extermination des juifs d’Europe.

[21] Le texte est celui d’un certain « S. Rossov » (et non « Volzov ») et s’intitule Le problème juif. Sur l’impossibilité d’accorder des droits aux juifs (1906). Il prétend révéler la haine juive des non juifs, en recourant à des fausses citations censées provenir du Choulhan Aroukh, un code de loi juive compilé par le rabbin Joseph Karo au XVIe siècle. Le texte du bulletin URSS reproduit des passages de celui de Rossov. C’est l’écrivain Grigory Svirsky qui, avec l’aide d’un traducteur, authentifie la coïncidence des deux textes durant l’audience.

[22] L’Okhrana était le nom de la police secrète du pouvoir tsariste. Elle fut fondée par une ordonnance d’Alexandre III en 1881.

[23] Les Protocoles des Sages de Sion sont un document fabriqué par la police secrète du tsar, l’Okhrana. Publié pour la première fois en Russie en 1903, il se présente sous la forme d’un plan de conquête du monde par les juifs et les francs-maçons. Ce faux célèbre alimente la propagande antijuive à l’échelle mondiale depuis plus d’un siècle. Adolf Hitler y fit référence dans Mein Kampf ainsi que le Hamas dans sa charte de 1988.

[24] La publication par Nicolas II du Manifeste d’Octobre (1905), en réponse aux troubles révolutionnaires, déclenche une très importante vague de pogroms, dont celui de Byalistok en 1906 (80 morts environ). Les pogroms cessent en 1907. Robert Badinter parle de l’ « échec de 1905 » alors que la révolution permet l’octroi d’une constitution libérale. L’échec vient plus tard, avec le « coup de force du 3 juin 1907 », par lequel Nicolas II procède à la dissolution de la deuxième douma d’État de l’Empire russe.

[25] Les Cent-Noirs (ou Centuries noires) est une organisation nationaliste, monarchiste et antisémite qui apparaît en Russie dans le contexte de la révolution de 1905. Il est composé de plusieurs groupes qui participent à la répression des libéraux, des intellectuels, des socialistes et des juifs.

[26] Le Conseil des commissaires du peuple adopte le 25 juillet 1918 un « décret sur la lutte contre l’antisémitisme et les pogroms antijuifs ». Le décret est signé par le président du conseil des commissaires du peuple, Lénine, le chef du service administratif du Conseil (Bontch Brouievit) et son secrétaire (Nikolai Gorbounov).

[27] La Constitution de 1936 proclame dans son article 123 que « l’égalité des droits des citoyens de l’URSS, sans distinction de nationalité ou de race, est assurée dans tous les domaines de la vie économique, politique, sociale et culturelle ». Elle ne fait pas spécifiquement référence aux juifs.

[28] Il s’agit vraisemblablement de l’écrivain Grigory Svirsky (1921-2016), cité par l’accusation, qui fut membre de l’Union des écrivains de l’URSS, mais dont les œuvres furent interdites et détruites en 1968. Il put quitter l’URSS en 1972, s’installa en Israël avant de rejoindre le Canada.

[29] Né en 1895, Jacob Kaplan fut grand-rabbin de France de 1955 à sa retraite, en 1980. Interrogé par Me Rosenthal sur ce qu’il pense du texte, Kaplan estime que « depuis la fin du nazisme, on n’a pas publié en France un article aussi virulent et aussi violemment antisémite ».

[30] Le roman Silbermann de Jacque de Lacretelle a été publié en 1922 chez Gallimard. Il obtint le prix Femina la même année. Silbermann raconte l’amitié entre deux lycéens, l’un, le narrateur, issu d’une famille protestante, et l’autre, David Silbermann, juif. Amoureux de l’histoire et de la littérature française, Silbermann éprouve toutefois durement l’antisémitisme de ses contemporains.

[31] Moshe ben Maïmon ou Moïse Maïmonide, rabbin séfarade du XIIe siècle, fut l’une des plus importantes autorités rabbiniques du Moyen Âge.

[32] Dans son Mishné Torah (Hilkhoth De’oth 6:5), Maïmonide écrit : « Il ne faut pas haïr un autre Juif, ni se réjouir de son malheur ». Il s’inspire du livre des Proverbes : « Ne te réjouis pas de la chute de ton ennemi, Et que ton cœur ne soit pas dans l’allégresse quand il chancelle, De peur que l’Éternel ne le voie, que cela ne lui déplaise, Et qu’il ne détourne de lui sa colère » (24 :17-18).

[33] Edmond Fleg (1874-1963) fut un écrivain et philosophe suisse et français, et une figure importante du franco-judaïsme. Il fut notamment l’auteur de L’enfant prophète (1927, Gallimard) et de Pourquoi je suis juif ? (1928, Éditions de France). Il cofonda avec Jules Isaac, en 1948, l’Amitié judéo-chrétienne.

[34] Elie Wiesel (1928-2016) est issu d’une famille hassidique. L’écrivain, survivant de la Shoah, est notamment l’auteur d’une série d’ouvrages portant sur le judaïsme (Célébrations). Son livre Célébration hassidique, portraits et légendes est paru au Seuil en 1972. Il a reçu le Prix Bordin de l’Académie française.

[35] La revue du Père Braun (voir note suivante), Rencontre entre chrétiens et juifs, a existé de 1967 à 1986. Elle est alors dirigée par Pierre Piérard.

[36] Roger Braun (1910-1981) est un prêtre français qui fut, sous l’Occupation, Aumônier général des camps de zone sud et des formations de travailleurs étrangers. Il travailla au sauvetage des juifs. Il œuvra au rapprochement judéo-chrétien, en créant les Cahiers sioniens (1947-1955), puis la revue Rencontre entre chrétiens et juifs (1967-1986). Militant de la lutte contre l’antisémitisme, le Père Braun s’engagea aux côtés de la LICA. Voir à son sujet la thèse de Frédéric Lunel, Roger Braun s.j. (1910-1981) : engagement philosémite et secours aux étrangers, Thèse de doctorat soutenue à l’université du Mans (2013).

[37] Michel Riquet (1898-1993) est un prêtre jésuite français. Sous l’Occupation, il rejoignit les rangs de la Résistance, fut arrêté en janvier 1944, interné au camp de Compiègne avant d’être déporté à Mauthausen puis à Dachau. Après la guerre, il fut le président d’honneur de l’Union nationale des associations de déportés, internés et familles de disparus (UNADIF), président d’honneur du Réseau du Souvenir et vice-président de la LICA.

[38] Le grand avocat Henry Torrès (1891-1966), défenseur de Samuel Schwartzbard, fut le mentor de Robert Badinter au début de sa carrière. Le maître eut une influence considérable sur le jeune avocat dans la façon de concevoir la défense. Badinter lui rend hommage dans L’Exécution (1973) et L’Abolition (2000).

[39] Samuel Schwartzbard (1886-1938) était un juif d’origine ukrainienne qui avait vécu les pogroms en Ukraine, sous l’empire tsariste, et participé à l’autodéfense. Il s’installa en France en 1910, s’engagea dans la Légion étrangère et participa à la Première Guerre mondiale. Il obtint la naturalisation française en 1925. En mai 1926, il reconnut et assassina à Paris l’ancien président du directoire d’Ukraine, Symon Petlioura, accusé d’avoir laissé se dérouler des pogroms massifs durant la guerre d’indépendance de son pays contre les bolcheviks. Jugé en Cour d’assises, Schwartzbard, défendu par Henry Torrès, fut acquitté en octobre 1927.

[40] Symon Petlioura (1879-1926) fut le troisième président de la République populaire ukrainienne. Pendant la guerre civile contre les bolcheviks, de nombreux pogroms furent commis par ses troupes. Il fut de fait accusé d’avoir ordonné, sinon laissé s’accomplir, ces massacres. Il s’exila en Pologne en octobre 1920, puis en France en 1923, d’où il poursuivit ses activités en faveur de l’indépendance ukrainienne. Samuel Schwartzbard l’abattit rue Racine, à Paris, le 25 mai 1926. Il demeure aujourd’hui un héros populaire dans la mémoire du peuple ukrainien.

 

Notes

1 « Élisabeth Badinter et Richard Malka : “Le retour de l’antisémitisme fut un choc pour Robert Badinter” », propos recueillis par Nicolas Bastuck et Valérie Toranian, Le Point, 1er octobre 2025.
2 « Hommage à Badinter : la présence de députés LFI crée la polémique », Les Échos, 13 février 2024.
3 https://x.com/ericcoquerel/status/1976278326160302359
4 Sur l’histoire de cette organisation, voir Emmanuel Debono, Aux origines de l’antiracisme. La LICA, 1927-1940, Paris, CNRS Éditions, 2012.
5 Nous relatons cette affaire dans le chapitre 16 (« Les premiers pas de la loi Pleven. La poupée de Dijon. Le bulletin URSS ») de notre ouvrage, Le racisme dans le prétoire. Antisémitisme, racisme et xénophobie devant la justice, Paris, PUF, 2019, pp. 608-628.
6 Le Procès de la LICA contre le bulletin « URSS », Paris, LICA, 1973. L’ensemble des citations de cette présentation sont tirées de cette publication.
7 Agence créée en 1961 sous l’égide du Bureau soviétique d’information, le Sovinformburo.
8 Sarah Fainberg, Les Discriminés. L’antisémitisme soviétique après Staline, Paris, Fayard, 2014.
9 « Païen » ou « idolâtre ».
10 Sur l’histoire de législation française contre le racisme du décret-loi Marchandeau à la loi de 1972, voir Emmanuel Debono, Le racisme dans le prétoire… op. cit.
11 En 1977, le MRAP devient le « Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples ».

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